Les changements physiques et émotionnels de la puberté reflètent une transition biologique de l’enfance à l’adolescence et au jeune âge adulte. Chez les filles, ces changements résultent d’une augmentation progressive des taux d’œstrogène, une hormone produite principalement par les ovaires. Le moment de la puberté et cette augmentation de l’œstrogène varient largement d’une fille à l’autre; cependant, il est important d’être conscient des situations où un écart par rapport au moment typique reflète un problème sous-jacent.
Les ovaires et l’utérus sont des organes situés dans la partie inférieure de l’abdomen, qui participent à la production d’hormones, à la menstruation (règles) et la reproduction.
Les ovaires remplissent deux fonctions principales :
- ils produisent des hormones qui contrôlent la puberté, les caractéristiques sexuelles (développement des seins, proportion du corps, menstruation) et la fonction sexuelle
- ils contiennent les ovules nécessaires à la reproduction
Chez les filles qui reçoivent un traitement pour une tumeur cérébrale, les deux fonctions peuvent être compromises soit à cause de la tumeur elle-même, soit, plus fréquemment, à cause du traitement.
Par conséquent, la surveillance des progrès d’une fille jusqu’à la puberté est un élément important de son suivi médical pendant et après le traitement d’une tumeur cérébrale.
Que se passe-t-il dans l’organisme pendant la puberté?
La puberté commence par une chaîne d’événements qui débutent au centre du cerveau, dans les zones appelées hypothalamus et hypophyse. L’hypothalamus produit la gonadolibérine (Gn-RH). La Gn-RH déclenche ensuite la production par l’hypophyse de deux hormones appelées folliculostimuline (FSH) et lutéostimuline (LH). La FSH et la LH déclenchent la production par les ovaires :
- de la sécrétion d’œstrogène (principale hormone nécessaire à la puberté féminine)
- de la maturation des ovules et de leur libération en vue de la fécondation
Le moment de la puberté peut être influencé par de nombreux facteurs, dont les tendances familiales et les problèmes de santé. Généralement, la puberté débute chez les filles par l’apparition du développement des seins entre les âges de 8 et 13 ans. Ce développement est généralement suivi par le développement de poils pubiens, une poussée de croissance, des changements dans les proportions du corps et enfin, l’apparition des règles.
Quelle est l’incidence des tumeurs cérébrales et de leur traitement sur la puberté et la fertilité chez les filles?
Puberté
Les filles qui reçoivent un traitement pour une tumeur cérébrale peuvent présenter une puberté précoce ou une puberté tardive/absente.
- Le premier signe de la puberté est le développement des seins. Si cela se produit avant l’âge de 8 ans, on considère qu’il s’agit d’une puberté précoce.
- On considère l’absence de développement des seins à l’âge de 13 ans ou l’absence de règles (aménorrhée) à l’âge de 16 ans comme une puberté tardive.
Le traitement d’une tumeur cérébrale, par chimiothérapie ou radiothérapie, peut altérer la production hormonale par le cerveau ou les ovaires. La radiothérapie au cerveau peut avoir une incidence sur la libération de Gn-RH, de FSH et de LH. Comme la FSH et la LH stimulent les ovaires pour déclencher la puberté et les règles, leur absence peut empêcher les ovaires de produire de l’œstrogène, qui est nécessaire pour induire les changements de la puberté et pour passer par les cycles menstruels.
L’hypothalamus est plus sensible aux rayonnements que l’hypophyse. Si seul l’hypothalamus est lésé (par la tumeur, la chirurgie ou la radiothérapie), alors la puberté peut survenir tôt. Si l’hypothalamus et l’hypophyse sont tous deux touchés, la puberté peut survenir tardivement.
La chimiothérapie ou la radiothérapie peuvent avoir une incidence directe sur les ovaires. Ces effets peuvent également affecter leur capacité de produire de l’œstrogène et, tout comme le manque de LH et de FSH, peut retarder le début de la puberté et des menstruations.
Fertilité
En plus du rôle qu’ils jouent dans la production d’hormones, les ovaires contiennent des ovules. Certains médicaments de chimiothérapie utilisés dans le traitement des tumeurs cérébrales peuvent réduire le nombre d’ovules dans les ovaires. La radiothérapie, lorsqu’elle touche le bassin (comme dans le cas de la radiothérapie craniospinale), peut également avoir une incidence sur le nombre d’ovules et l’intégrité de l’utérus. Selon le type de traitement et la quantité administrée, il peut rester peu ou pas d’ovules par la suite.
Ainsi, les jeunes femmes qui ont précédemment reçu un traitement pour une tumeur cérébrale et qui essaient par la suite de concevoir peuvent éprouver des difficultés à devenir enceintes avec leurs propres ovules ou ne pas en être capables, ou peuvent être incapables de mener une grossesse dans l’utérus.
Quelles sont les causes précises des problèmes de puberté et de fertilité?
Plusieurs facteurs affectent la puberté ou la fertilité en endommageant les organes et les cellules qui participent à la progression normale de la puberté et à la reproduction :
- Les enfants atteints de tumeurs germinales ou d’un gliome hypothalamique peuvent présenter une puberté précoce comme effet direct de la tumeur. Cette manifestation est plus fréquente chez les enfants atteints de neurofibromatose (NF).
- La radiothérapie appliquée aux parties du cerveau appelées hypothalamus et hypophyse peut nuire à leur capacité de produire les hormones nécessaires à la puberté : Gn-RH, LH et FSH.
- La radiothérapie craniospinale peut avoir des effets lorsque le faisceau de rayonnement sort de l’organisme par la partie supérieure du bassin. Chez les filles, le faisceau de rayonnement peut toucher directement l’utérus ou les ovaires.
- Les médicaments de chimiothérapie, en particulier les médicaments appelés « agents alkylants », peuvent retarder la puberté et provoquer l’infertilité. Cette catégorie de médicaments comprend le cyclophosphamide, l’ifosfamide, la lomustine (CCNU), la carmustine (BCNU), la procarbazine et le thiotépa.
Comment évaluer et traiter les problèmes de puberté et de fertilité?
Lors des visites de suivi, le médecin ou l’infirmière praticienne évaluera les changements pubertaires, tels que le développement des seins et les poils des aisselles et poils pubiens. L’équipe consignera la croissance et la taille sur une courbe de croissance. Elle pourrait contrôler les taux d’hormones à l’aide d’analyses sanguines si elle soupçonne une puberté précoce ou tardive.
Traitement de la puberté précoce
En cas de puberté précoce, on propose parfois aux enfants un traitement médicamenteux pour ralentir la puberté. Selon leur âge, l’équipe soignante peut suggérer ce traitement pour prolonger leur période de croissance, car un enfant cesse généralement de grandir peu de temps après l’atteinte de la puberté. Chez les filles, il est possible de ralentir ou d’arrêter la puberté pour éviter l’apparition des règles.
Il peut être bénéfique ou non pour les enfants qui présentent une puberté précoce d’interrompre la puberté. Si l’équipe soignante estime qu’une interruption de la puberté serait bénéfique pour l’enfant, elle peut lui administrer un médicament appelé leuprolide (Lupron Depot) par injection pour ralentir sa progression vers la puberté. Ce traitement se poursuit généralement jusqu’à l’âge typique de la puberté.
Voici les raisons d’envisager l’interruption de la puberté :
- Si l’équipe de soins de santé craint que la puberté n’entraîne une diminution de la taille finale (c.-à-d. que votre fille sera plus petite qu’elle ne l’aurait été sans traitement). Généralement, si les enfants entrent dans la puberté avant l’âge de 6 ans, c’est une possibilité, et certaines données probantes indiquent que l’interruption de la puberté peut entraîner une augmentation de la taille finale à l’âge adulte. Lorsque la puberté débute après l’âge de 6 ans, les données probantes sont moins claires, et la décision d’interrompre la puberté doit tenir compte de multiples facteurs liés aux objectifs du traitement, y compris la taille actuelle de l’enfant, sa maturation osseuse et la taille des parents.
- Il peut être difficile sur le plan émotif pour certains enfants et leurs parents de commencer la puberté beaucoup plus tôt que leurs camarades. Chez les filles, l’apparition précoce des règles peut être particulièrement pénible. Les préoccupations concernant les effets émotionnels de la puberté précoce peuvent être une raison raisonnable d’interrompre la puberté.
Les décisions concernant l’interruption de la puberté seront prises avec la participation de l’enfant, de ses soignants, de l’équipe d’oncologie primaire et d’un endocrinologue, un médecin spécialisé dans le traitement des troubles de la production hormonale et du moment de la puberté.
Traitement de la puberté tardive ou absente
S’il n’y a pas de signes de puberté à un âge auquel on s’y attend normalement (développement des seins à 13 ans chez les filles) ou si la puberté commence, mais ne se poursuit pas, on parle de puberté tardive/absente.
On traite la puberté tardive ou l’absence de règles par l’œstrogène, l’hormone produite par les ovaires. L’œstrogène se prend le plus souvent sous forme de pilule tous les jours. En plus des changements externes influencés par l’œstrogène (croissance des seins, changements de la forme du corps, etc.), elle influence également la solidité des os, la santé cardiovasculaire et le développement du cerveau.
On administre initialement l’œstrogène en petites doses et on augmente la dose progressivement sur une période de deux à trois ans pour imiter le schéma observé chez les enfants qui subissent spontanément la puberté. Cette approche aide l’organisme de l’enfant à changer progressivement et à obtenir l’aspect final le plus naturel du corps adulte. Chez les filles, une fois que la dose d’œstrogène se rapproche des niveaux d’une femme adulte, on ajoute une seconde hormone, la progestérone, pour réguler les saignements menstruels. Les deux hormones peuvent se prendre ensemble dans une seule pilule, le contraceptif hormonal combiné (également connu sous le nom de « pilule contraceptive »).
Options de prévention, d’évaluation et de traitement de la réduction de la fertilité
Les filles qui ont besoin d’un traitement susceptible d’affecter leur fertilité peuvent se voir proposer une consultation chez un gynécologue, un médecin spécialisé dans la santé reproductive et sexuelle des femmes, qui peut discuter de l’évaluation de la fertilité ainsi que des options pour la préservation de la fertilité, lorsqu’elles existent. Il n’existe pas d’examen permettant de déterminer avec précision la probabilité qu’une jeune femme puisse tomber enceinte, bien que certaines analyses sanguines et des échographies des ovaires et de l’utérus puissent parfois aider à l’évaluation.
Il est possible de prendre certaines mesures avant le traitement du cancer pour essayer de préserver la fertilité. L’une des techniques pour les filles qui subissent une radiothérapie craniospinale consiste à localiser les ovaires par échographie. Si possible, un gynécologue peut réaliser une opération pour écarter un ovaire du trajet du faisceau de rayonnement afin de le protéger de toute lésion.
Les filles qui ont déjà leurs règles peuvent être admissibles à la congélation des ovules avant le traitement. C’est ce qu’on appelle la cryoconservation des ovocytes (ovules), qui nécessite des procédures médicales (que certaines personnes pourraient trouver intimes ou difficiles) et souvent un coût important. Vous trouverez de plus amples informations sur cette méthode ici. Cette question peut faire l’objet de discussions avec l’équipe d’oncologie au moment de la planification du traitement du cancer. La cryoconservation des ovocytes peut également être une option pour les filles après le traitement, s’il semble que certains des ovules ont survécu à la chimiothérapie.
De nouvelles techniques permettant d’enlever de petites parties de tissu ovarien pour les congeler et les utiliser plus tard sont à l’étude, et votre fournisseur de soins de santé pourrait les explorer avec vous si elles sont adaptées à votre situation.
Quel effet cela aura-t-il sur l’avenir de votre enfant?
Les enfants qui présentent une puberté précoce peuvent atteindre une taille adulte plus courte si la puberté n’est pas ralentie ou interrompue. Les filles qui ont une puberté précoce peuvent également faire l’expérience de l’attention sexuelle précoce des autres, à laquelle elles peuvent être émotionnellement mal préparées. Ainsi, il est important d’avoir des conversations ouvertes sur l’attention et les contacts appropriés (et inappropriés), et d’avoir un plan de communication clair si elles font l’objet d’une attention ou d’un contact sexuel inapproprié.
Les adolescentes qui présentent une puberté tardive ou absente peuvent devoir poursuivre leur traitement hormonal à vie. En plus de maintenir les caractéristiques sexuelles et la fonction sexuelle, les hormones sexuelles (comme l’œstrogène) jouent un rôle important dans le maintien de la solidité des os et de la santé cardiovasculaire. Il peut également être émotionnellement difficile pour les filles de mûrir beaucoup plus tard que leurs camarades ou leurs frères et sœurs, de sorte que certaines peuvent choisir de commencer à prendre des hormones de puberté pour aider à répondre à ces préoccupations.
Les filles qui ont subi une chimiothérapie par agents alkylants ou une radiothérapie touchant les ovaires (en particulier pendant l’adolescence) sont à risque de ménopause précoce. Le nombre d’ovules diminue continuellement chez les femmes de la naissance à la ménopause, et le nombre total diminue souvent après la chimiothérapie. Par conséquent, les jeunes femmes qui ont subi une chimiothérapie sont informées que les chances de grossesse menée à terme sont beaucoup plus élevées à un jeune âge (avant 30 ans).
La congélation des ovules (cryoconservation des ovocytes) est également une option à explorer, en particulier si l’on souhaite retarder la grossesse jusqu’à un âge plus avancé (plus de 30 ans). Une jeune femme peut se voir proposer une recommandation à un spécialiste en fertilité pour discuter de ces options une fois qu’elle a commencé à avoir ses règles et qu’elle souhaite en parler.
Chez certaines jeunes femmes, les traitements nécessaires contre le cancer ne laissent aucun ovule survivant. Il existe toutefois de nombreuses façons de fonder une famille, notamment la fécondation in vitro (FIV) à l’aide d’ovules de donneuses, la maternité de substitution et l’adoption. Ce sont des options dont l’équipe de soins d’une jeune femme, éventuellement avec l’aide d’un spécialiste en fertilité, peut discuter lorsqu’elle estime que le moment est venu.